Cie l’Inattendu.
Adaptation et mise en scène Jacques Nichet.
Avec Charlie Nelson.
Scénographie Philippe Mariage, peinture Jean-Paul Dewynte
Texte et photos Philippe Barrailla.
Braises et cendres
Le célèbre écrivain-poète-journaliste Frédéric-Louis Sauser, dit Blaise Cendrars, avait pris les traits du comédien Charlie Nelson, au jeu exalté, désabusé, angoissé, selon les méandres de la pensée de son modèle.
Sous la lueur d’une simple allumette, puis d’une bougie, puis d’un doux éclairage tamisé, son curriculum vitae intime se déroule devant nos yeux : de sa vie foetale, dont il regrette de n’avoir aucun souvenir mais qu’il imagine perturbée, à son envol pour une vie d’errance, quittant le giron familial pour la Russie pré-révolutionnaire, gestante de profonds bouleversements.
A New York, il a la première révélation de son statut d’oiseau mythique, de « poète phénix », qui comme le légendaire volatile se consume puis renaît de ses cendres. L’ardent état de création poétique qui le brûle prend alors la forme d’un long texte, « les Pâques à New York », écrit en 1912. Puis, en 1913, il publie à Paris son oeuvre maîtresse, « la Prose du Transsibérien ».
Il a décrit comme rarement évoquées les horreurs de la première guerre mondiale, qui lui a infligé la pire blessure pour un écrivain : la perte de la main droite. Il parle ensuite de Pompon, son amie de longue date qui a voulu avorter en se tirant une balle dans le ventre, qui a survécu et qu’il promène çà et là, présence muette et essentielle.
Il évoque enfin sa découverte du Brésil, des falaises atlantiques à la grande forêt amazonienne, où il côtoie la merveilleuse utopie d’un pays conforme à tous ses rêves d’évasion.
La scène s’éteint, l’immense vague rouge sang en fond de décor disparaît, des lumières crues signalent la fin du périple de ce vagabond inspiré, créateur de la poésie moderne, qui, cruelle ironie du sort, a fini sa vie cloué sur un lit, pour un long et dernier voyage immobile.