Une fille s’en va

Pièce d’Arlette Namiand
Avec Lou Wenzel, Jean-Paul Wenzel, Philippe Gaudry, Daniel Jean.

Commentaire et photos Philippe Barailla

Une fille s'en va

La pièce est bâtie sur un élan initial, une vision : celle d’une fille de vingt ans qui, par une nuit de Noël glaciale, quitte le banquet familial pour devenir, définitivement, « celle qui s’en va ». Partir, toujours, est désormais sa nouvelle et inéluctable destinée.
Elle s’en va, oui, mais ralentie par les lourds bagages dont ses ancêtres l’ont chargée : un passé de lutte sociale par son père, syndicaliste et militant, un passé de résistance et de déportation par son grand-père.
Alors qu’elle vient d’être récupérée gisant sur le bord de l’autoroute, à moitié morte de froid, elle croit entendre sur l’auto-radio le chant des partisans, puis l’internationale : son cerveau aliéné déforme la réalité à travers un filtre de valeurs qui ne sont pas les siennes.
Elle est sans repères propres, et elle s’en va. Elle part à la recherche d’un idéal hypothétique mais qui lui soit propre, en une quête dangereuse où l’on craint à plusieurs reprises qu’elle y laisse sa vie. De Paris à Amsterdam, puis à Hambourg et Berlin, avec à chaque étape la rencontre fortuite d’un homme qu’elle croit providentiel. Son âme perdue s’accroche à ces inconnus comme à des bouées de sauvetage et, en quelques minutes, ils lui deviennent essentiels. Dans ce morceau d’existence en accéléré, elle croit trouver un père, un frère, un amant, mais aucun d’eux ne restera dans sa vie, chacun s’évanouira tôt ou tard dans le labyrinthe de son errance.
Errance définitive, comme un nouvel idéal de vie révélé dans un éclat de lucidité le 28 décembre, alors qu’elle marche seule dans les rues de Berlin et qu’elle réalise qu’elle vient d’avoir vingt ans. Le passé se retire dans ses certitudes de petite fille, comme la mer quitte la plage à marée descendante. La voie est libre désormais pour qu’elle puisse enfin, sans obstacles, chercher un sens à sa fuite et inventer son avenir.