Brûle Narcisse – 17-02-2023

De et avec : Adrien Michaux (Éditions Koïnè)
Mise en scène : Lou Wenzel
Régie lumières : Thierry Pilleul
Musique et régie son : François Caffenne

Impressions Philippe Barailla
Photos JYL

Brûle Narcisse
Mon destin sans nuage

Un premier aperçu de l’œuvre avait été joué au Garage Théâtre le 22 janvier 2022, alors que le texte était encore inachevé et la réalisation en chantier. Après dix représentations au Théâtre-Studio d’Alfortville, Adrien Michaux revient sur la scène cosnoise pour présenter la version définitive de sa pièce « Brûle Narcisse », dont il a confié la mise en scène à Lou Wenzel.
La métamorphose accomplie, la chenille est devenue papillon. Le texte a subi quelques retouches et la mise en scène a pris de l’ampleur. L’espace se partage entre un micro à gauche et un fauteuil à droite, la vie d’avant et celle d’aujourd’hui, l’acteur se déplaçant de l’un à l’autre selon sa situation narrative, mais toujours sous le regard omniprésent d’un immense miroir, instrument emblématique du personnage, où se reflète aussi le public du théâtre, image figée des foules qui l’adulaient au temps de sa splendeur.
Une musique particulière des mots, l’alternance continuelle vers/prose, et un ton parfois proche de la tragédie classique expriment le désespoir glacé de cet « Archange à la voix d’or » sur le berceau duquel trop de fées se sont penchées : il a connu tant de gloire qu’il ne pourra jamais en guérir. Son bonheur, il ne le trouvait que sur scène, et lorsqu’il doit renoncer parce que ses cordes vocales le lâchent, il vit très mal le choc. Isolé dans son studio dont le sol est jonché de coupures de presse lui rappelant ses succès, il rejoue dans sa tête le film de sa vie d’avant, réussite en trompe-l’oeil dont il ne reste plus que les échecs : sa compagne envolée, sa fille quasi-inconnue, sa mère décédée, et l’indifférence accablante qui accompagne sa chute.
Dans la scène finale, à la mise en scène poignante, il parle au micro avec une douce résignation puis soudain s’éloigne dans le noir alors que sa voix continue de résonner, comme si sa présence physique n’était plus nécessaire à la délivrance de son message.
La réalisation du spectacle, inventive et précise, les jeux d’ombre et de lumière, le son impeccable font un bel écrin à l’odyssée tragique du personnage, héros déchu devenu étranger au monde.