Garage Théâtre, vendredi 14 janvier 2022,
« Brûle Narcisse »
De et avec Adrien Michaux
Mise en scène Lou Wenzel
Après 10 jours de résidence et sous l’attentive direction de Lou Wenzel, Adrien Michaux présente une répétition publique de sa propre pièce. Le spectacle est déjà bien abouti, même si Lou précise qu’il est encore en phase de mise au point et en chantier constant.
Adrien incarne l' »Archange à la voix d’or », un rocker déchu qui vit cloîtré dans ses souvenirs entre son lit et son miroir, héros magique obsédé par l’image de celui qu’il n’est plus.
« Je suis jeune, et je chante dans un groupe ! » s’exclame-t-il. Des photos et des coupures de presse jonchent pêle-mêle le sol de son studio, parmi les bouteilles de bière vides. À l’instar du Narcisse de la mythologie grecque, il brûle d’auto-satisfaction, par l’entremise de ce jeune chanteur adulé par des millions de fans qui faisait exploser sa musique sur d’immenses scènes partout dans le monde. Il y a du Jim Morrison, du Chester Bennington dans son personnage.
De son propre aveu, ce rocker solaire et magnifique, auquel tout réussissait lui « ressemble de moins en moins ». Consciemment ou non, il inverse les rôles, car c’est lui-même qui s’éloigne de plus en plus de cette image parfaite, figée, imprimée à jamais sur papier glacé, comme celle d’un héros mort trop jeune et qui ne vieillira jamais – contrairement à lui.
Sa passion impossible, sans issue, le conduit progressivement en enfer. Éternel insomniaque, il erre la nuit dans les zones industrielles, toujours selon le même cheminement ; il fuit ses admirateurs. Il se réfugie dans l’alcool et les amphétamines. Une question revient, entêtante, en leitmotiv angoissé : « Combien de temps dure la nuit ? ». On n’ose même pas imaginer la réponse, il y a si longtemps que l’ombre de ses errances solitaires a remplacé la lumière aveuglante des projecteurs. « Pourvu que la bête m’avale ! » lance-t-il avec insistance, cherchant la porte de sortie de sa prison mentale.
Le texte se déroule, monologue lancinant, mêlé d’alexandrins donnant parfois à ces instances des tonalités de tragédie classique.
Le personnage rendu à sa simple réalité, débarrassé des artifices de la gloire, n’en est que plus émouvant, seul face à son miroir. Ainsi Narcisse, pris au piège de sa beauté, a perdu le goût de la vie, penché à jamais sur son funeste reflet.