Texte et mise en scène : Christophe Tostain, assisté de Violette Pouzet-Roussel.
Avec Juliette Croizat, Erick Deshors, Charles Nomwendé Tiendrebeogo.
Musique : Arnaud Léger.
par Philippe Barailla, photos JYL.
"État frontière"
Le thème de la pièce est tout sauf léger : celui des migrants, et de la mise à l’épreuve d’Européens moyens soudainement confrontés à cette réalité toute crue. Quel sort réserver à ces gens en équilibre instable sur les frontières, indésirables d’un côté, désespérés de l’autre ? Loin des grandes théories, comment me comporterais-je si un de ces malheureux arrivait soudain sous mon toit et bousculait mon quotidien ?
La scène est tendue d’écrans blancs d’abord vides et immaculés, puis animés à intervalles d’images d’une violence floue et lointaine.
La pièce débute dans la villa cossue de Jane, écrivaine en mal d’inspiration qui y mène une vie solitaire et ennuyeuse ; ses préoccupations sont partagées à égalité entre son prochain roman et sa « maison rouge », résidence côtière délaissée qui se décrépit lentement sous les embruns.
Un jeune Noir nommé Pacifique erre aux alentours de son camp de migrants, entre (sans effraction) dans la belle maison, et rêve de ce qu’aurait pu être sa vie. Mais sa famille, dont sa fiancée enceinte, a été atrocement massacrée devant lui. Lui, il a pu s’échapper de cet enfer mais garde derrière ses yeux des images terribles et ineffaçables.
Jane l’accueille avec bonté, veut l’écouter, lui offre un bol de soupe, propose de l’installer dans sa maison rouge. Ces deux êtres n’ont rien en commun, et Jane doit explorer cette nouvelle relation avec des mots inédits, oubliés, pour se mettre en phase avec cet homme démuni au passé et au présent douloureux.
Jane a un compagnon, journaliste de télévision qui anime les rencontres entre les candidats aux élections présidentielles, et ne s’intéresse guère à autre chose. Homme de convictions humanistes, il est viscéralement ancré à gauche. Pourtant, quand il découvre l’existence de Pacifique, il le rejette violemment, animé par un mélange de jalousie, de méfiance, de peur de l’inconnu et de l’illégalité.
L’intrusion de l’Etranger fragilise encore plus le couple déjà aux abois, symbole d’une société en crise hésitant entre humanité et rejet face à un phénomène auquel elle n’était pas préparée,
qui hésite à se mettre en danger pour intégrer en son sein de milliers d’inconnus en souffrance.