Dorénavant Cie.
Texte et mise en scène de Jean-Paul Wenzel.
Avec Clotilde Mollet, Hervé Pierre (de La Comédie-Française), Lou Wenzel.
Création son, Philippe Tivillier. Régie, Aurore Galati.
Texte et photos Patrice Vatan
Loin d'Hagondange
Dès le noir fait, l’intimité d’un couple d’ouvriers retraités s’expose à la lumière la plus crue. Marie et Georges s’usent l’un l’autre au lent frottement d’un commun interminable.
Ces deux-là n’ont rien de grands personnages shakespeariens, ils évoluent en pantoufles et tenues d’intérieur aléatoires dans leur petite maison à la campagne, tentent de réparer le chauffe-eau, éprouvent encore une joie enfantine à brancher leur faux feu de cheminée électrique, se prêtent le dernier Sélection et écoutent le Jeu des mille francs sur France Inter.
Pourtant Leur routine sourde, étouffante mais confortable aussi explose en violences soudaines. Elle est réglée depuis toujours par un Moloch qui s’appelle les aciéries d’Hagondange, en Moselle, et qui, bien que fermé, réclame à ceux qu’il considère toujours ses servants son content de fer battu.
Et Georges (magnifique Hervé Pierre, de la Comédie-Française, qui donne sa bonhomie savamment ajustée) de battre le fer comme un damné dans un atelier interdit à Marie. Une routine que brisera à jamais l’imprévisible, l’inconcevable final.
Il est étonnant qu’un texte aussi fort et pourrait-on dire – documenté – sur la vie d’un couple âgé ait été écrit par un jeune homme de 27 ans n’ayant à son actif que quelques poèmes de jeunesse et une pièce jamais montrée.
Un soir de l’automne 1974, rentrant des répétitions d’un spectacle monté avec des amis, Jean-Paul Wenzel s’est posé à sa table de travail, dévoré par une envie brutale d’écrire.
Écrire, écrire quelque chose, n’importe quoi. Il a soif, envie de thé. Il lance ces mots sur un papier : » Je prendrais bien une tasse de thé. »
C’est devenu la première ligne de Loin d’Hagondange, pièce bouclée en quatre mois. Comme si elle attendait son chaman pour naître.
Elle fut publiée chez Stock en 1975, mise en scène par Patrice Chéreau en 1977, montée ensuite à New York, au Portugal, en Finlande, Suède, Allemagne, Italie… dans quelque vingt pays
Traduite en dix-huit langues, Loin d’Hagondange peut se lire avec un recul de près d’un demi-siècle comme le témoignage d’un passé révolu, nostalgique, relativisant l’implication ouvrière et sociale.
Ah cette table en formica, tellement tendance aujourd’hui, cette chouette qui berce les nuits ouvrières ! Qui se paie encore le luxe d’entendre une chouette la nuit ?!