Écriture et jeu : Lilian Derruau, dit Wally
Mise en scène Jérôme Rouger
Lumières Xavier Lefrançois
Son Pascal Roux
Impressions et photo Philippe Barailla
Ma distinction
La notion de déterminisme social n’́est pas un vain mot à Viviez, banlieue défavorisée de Decazeville, dans l’Aveyron. Une rivière divise en deux cette bourgade gratifiée par l’auteur du label « plus moche village de France », et pour prétendre à une quelconque ascension sociale, il vaut mieux être né sur la bonne rive, la gauche, c’est à dire chez les bourgeois. De l’autre côté, les petits prolétaires de la cité ouvrière semblent héréditairement promis à une vie médiocre, et la fermeture progressive des usines métallurgiques, de nombreux commerces ainsi que la grave pollution du cours d’eau par les « métaux les plus lourds qui soient » n’ont rien arrangé.
La difficulté d’accès à la culture est un vrai handicap pour ces familles modestes ; seuls quelques phénomènes, plus curieux, plus ouverts, brisent le mur. Sur la scène, Wally repasse en boucle un 45 tours de la « ballade pour Adeline » de Richard Clayderman, son idole kitsch, tout en essayant de décrypter des phrases piochées au hasard dans l’œuvre du psychologue Pierre Bourdieu, qui le fascine mais dont il peine à apprivoiser le langage ; c’est pourtant là, dans ces mots révélés, qu’il va trouver le catalyseur de son émancipation.
Les thèmes abordés sont donc sérieux, mais habillés d’un humour faussement innocent et de beaucoup d’autodérision. Un hiatus est perceptible entre la simplicité prolétaire du personnage et son langage châtié, ses longues phrases grammaticalement impeccables. Le jeu naturel de Lilian Derruau, bien servi par son reste d’accent aveyronnais, est captivant, d’autant plus que la triste réalité qu’il décrit n’est pas crûment assénée, mais suggérée par des dizaines d’anecdotes amusantes, qui dédramatisent et font partir le public dans des rires coupables : le malheur des uns fait notre bonheur.
Superbe acteur- auteur-humoriste, Wally nous a offert une excellente soirée.