Sur scène Jean-Jacques Lemêtre
Photos Philippe Barailla et Patrice Vatan
Captation vidéo Patrice Vatan
Musicalopithèque
Impressions par Philippe Barailla
Le titre même du spectacle d’hier soir ressemble à une volée de percussions : musicalopithèque ! Jean-Jacques Lemêtre est un digne représentant de cette espèce humaine surgie des temps les plus anciens. Tenaillé par une passion envahissante, ce musicien-chercheur-compositeur-luthier a investi tout le plateau du Garage-théâtre pour y éparpiller, en vrac, les instruments les plus divers glanés au cours de ses nombreux voyages dans le monde entier.
Collaborateur de longue date d’Ariane Mnouchkine, ayant travaillé aussi pour Led Zeppelin, Simon Abkarian, Sarah Moon et bien d’autres, il connaît son sujet. Mais il présente en toute simplicité et bonhommie de véritables pépites, flûtes en os de vautour ou en fémur humain, trompes en cornes d’aurochs, percussions en noix de coco, mâchoires d’âne,… enfin tout ce qui peut produire des ondes audibles, et révèle à nos oreilles que notre système tonal, la gamme diatonique familière à notre ouïe, n’est apparue qu’assez tard dans l’histoire. Nos lointains ancêtres étaient sensibles à d’autres combinaisons sonores et à d’autres timbres, qui, aujourd’hui nous paraissent difficiles à aborder. Tel ce rhombe ou aérophone, instrument inclassable constitué d’une lame de bois, d’os ou de métal que l’on fait tourner vivement au bout d’une longue corde pour produire un son de vent, considéré par certains comme le chant des esprits.
Passionnant fait par un passionné, le concert-conférence offert par Jean-Jacques Lemêtre est une première ; parions que ce concept original, porteur de mille découvertes, est promis à un bel avenir.
Impressions par Patrice Vatan
Il farfouille dans son bric-à-brac, extrait ce qui ressemble à un os, c’en est un, le plaque contre sa jambe, un fémur. Exhumé d’un ossuaire des catacombes de Paris renfermant les restes des aristocrates guillotinés pendant la Révolution. En a fait une flûte, en tire quelques notes sur l’air de « Ah ça ira ça ira ».
Jean-Jacques Lemêtre a fait du chemin depuis ses premiers concerts dans le RER, l’époque où il gagnait sa croûte dans la musique de films pornos. Un bonne école de sons mouillés, incertain, entre-deux qu’il transformera, déploiera, tel un big bang musical, dans son univers créatif hors-norme, en perpétuelle expansion, tout entier dévolu à la recherche musicale, l’invention d’instruments et leur collecte autour du monde chez ses copains Papous, Inuits, Navajos, etc.
Sa rencontre avec Ariane Mnouchkine et son Théâtre du Soleil en 1979 axera sa vie. Jean-Jacques Lemêtre, une référence absolue dans la musique de théâtre.
Il avait apporté hier soir dans sa voiture une infime partie des 3000 instruments en sa possession, qu’ils soient inventés, comme ce sabot-violon ou cette guitare à trois manches, ou rapportés de ses voyages autour du monde (j’ai un bilan-carbone désastreux, j’ai fait une année 117 voyages en avion).
Voici un tambour chamane du Tibet contenant un bille en son sein, dont nul ne sait la raison. À côté de nous une petite fille est bouche bée ; d’une voix que la proximité de ce gros ours polaire (dixit Arian Mnouchkine) rend timide, elle lui demande de faire des cris d’animaux. D’un appeau, l’ours blanc tire un coassement qu’on jurerait enregistré sur les bords de Loire.