No scratch – 22-04-2022

Avec Hans Kunze (musicien)
Valérie Schwarcz (actrice)
Sarah Cosset (circassienne et acrobate)
Mise en scène collective.


Texte Philippe Barrailla
Photos
Jean-Pierre Estournet.

No Scratch

Après quinze jours de résidence, Hans Kunze, Valérie Schwarcz et Sarah Cosset présentaient vendredi soir « No Scratch », un spectacle mêlant parole, musique et danse.
L’acteur principal, imposant, se tient immobile au fond de la scène : c’est un solide cadre métallique tendu de quatre cordes horizontales dont la plus haute n’est autre qu’un fil de fer barbelé. De cet instrument improbable et unique en son genre, créé par Hans Kunze, le musicien tire une étonnante variété de timbres : tour à tour les cordes sont pincées avec les doigts, puis frappées avec un marteau, puis frottées avec un archet, emplissant la scène de longs chants doux ou râpeux et de rythmiques inquiétantes.
La peur se met en scène dans une pénombre constante où les corps se devinent plus qu’ils ne se voient. Seuls quelques néons linéaires, comme des portes entrouvertes sur un monde éclatant de lumière mais inaccessible, et des flashes rasants inquiètent plus qu’ils ne rassurent. Les textes sont empruntés à Kafka, à Dalmasio et à d’autres auteurs, notamment le Mozambicain Mia Couto, et traitent de la peur, cette force qui dès l’enfance contrarie l’élan vital, le canalise, le dévie de son cours naturel : dans ce labyrinthe, « il y a plus de murs que de routes ».
Peur de l’inconnu, de l’autre, peur des armes, de la guerre, peur des idéologies, peur de Dieu,…la peur est inspirée par ceux auxquels elle profite ; c’est un instrument politique que les dirigeants savent utiliser à bon escient.
Peu de leurs sujets osent l’ignorer et avancer contre ce courant, car la plupart on peur de braver la peur !
D’un suaire blanc, posé sur le sol comme un sac, émerge peu à peu une femme. Sa mission est de délivrer de ses barbelés un tronc d’arbre entièrement ficelé par l’épineux grillage, en une longue danse qui finit bien : ayant rendu l’arbre inoffensif, elle en prend possession dans une danse de victoire. L’arbre est-il celui de la liberté de pensée ? Est-ce une arme brandie contre la peur ? Chaque spectateur est renvoyé à son imagination pour résoudre l’énigme.
Des tenailles posées en conclusion sur les cordes vibrantes continuent de les faire chanter quelques minutes, longtemps après que les trois acteurs ont quitté la scène, et laissent l’assistance méditer quelque temps sur ces dernières oscillations sonores.