D’après la nouvelle de Franz Kafka, « un Rapport pour une académie ».
Cie du Singe debout : https://www.singedebout.com
Cie du Singe debout : https://www.singedebout.com
Adaptation, mise en scène et scénographie : Jade Duviquet
Avec : Cyril Casmèze
Régie générale / lumières : Vincent Tudoce
Son : Jean-Marc Istria
Vidéo : Stéphane Lavoix
Photo Philippe Barailla et JYL
Captation vidéo Patrice Vatan
Captation vidéo Patrice Vatan
Un grand singe à l'académie
Impressions Philippe Barailla
Le festival 2024 commence sous de bons augures : la soirée a été mémorable grâce à la compagnie du Singe Debout, incarnée sur scène par Cyril Casmèze, acrobate et comédien, sur « un Rapport pour une Académie », nouvelle de Franz Kafka adaptée par Jade Duviquet, qui signe aussi la réalisation.
L’acteur est d’apparence humaine mais il incarne Pierre le Rouge, un chimpanzé pur jus, d’abord blessé, dressé comme une marionnette mais qui peu à peu trouve intérêt à sa métamorphose : il devient mentalement un être humain, et ce de son propre choix. D’abord capturé, emprisonné dans une cage minuscule, à la merci de trafiquants d’animaux sauvages, il a hésité : viser la vraie liberté et tenter de s’échapper avec tous les aléas et les dangers que cela implique, ou trouver une issue médiane adaptée à sa nouvelle situation. Il opte pour la deuxième solution, étudie les humains et les imite sans toujours les comprendre, ni les aimer, afin de s’intégrer dans leur société ; après avoir vaincu son aversion pour l’alcool et bu une bouteille de schnaps, il commence même à parler…
Cet épisode accéléré de l’évolution des espèces pose la question de la liberté : c’est un idéal, mais paradoxalement
les méandres de l’existence obligent à faire des choix, à trouver une issue adaptée aux contraintes qui s’imposent à nous. Si ce pauvre singe martyrisé décide de devenir un être humain semblable à ses tortionnaires, c’est une façon de retrouver, après sa capture, une liberté « accessible », partielle mais inaliénable. Il finira d’ailleurs par oublier son statut d’animal ; mais le spectateur n’est pas dupe : son apparence physique, son comportement, restent clairement ceux de son espèce.
La performance de Cyril Casmèze est extraordinaire, et, en négatif, comparable à celle de son personnage : homme au départ, il fait le chemin inverse et rejoint le singe, funambule sur un fil continu reliant les deux espèces. Son jeu d’acteur, son agilité, son aisance sont proprement bluffants ; on pense à un spectacle de cirque, on s’amuse, on oublie même parfois de réaliser qu’un terrible message erre sur la scène comme un fantôme invisible.
Impressions Patrice Vatan.
Voici revenu le temps du Garage.
Théâtre au jardin avec « L’homme de main », pièce policière de Jean-Paul Wenzel, œuvre de jeunesse non publiée dont le rôle-titre est dit par l’homme de main du Garage Théâtre, JYL, criant de vérité.
Théâtre au garage après dîner. Que dis-je, théâtre ? Qu’avons-nous devant les yeux sinon « l’homme de demain », version kafkaïenne de la Planète des Singes tout entière comprimée dans un seul être, Cyril Casmèze.
Un drôle de gaillard qui se décrit acrobate zoomorphe ; se prenant à quatre ans pour un sanglier, mangeant dans l’assiette du chien.
À sa façon de s’épouiller les pieds et porter à sa bouche le fruit de ses explorations, de sauter d’une simple détente de ses jambes torses sur la table, ce personnage dérangeant téléporte le public devant sa cage, pas assez haute pour qu’il s’y tienne debout, pas assez large pour que les barreaux ne lui écorchent pas le dos.
Une balle tirée par des chasseurs lui a troué la peau ; il n’a de cesse de proposer à la salle qu’elle voie le trou de sa balle. Le singe a une idée pour échapper à sa condition simiesque : devenir un homme, un de ces êtres civilisés qui fument le cigare, boivent sec, fument à mort.
On sait, depuis qu’il a transformé en une nuit un quidam en cancrelat, que Franz Kafka est capable de tout. Cyril Casmèze le sert au-delà de l’imaginable avec son adaptation velue de la nouvelle « Rapport pour une académie ».
Il est singe et envisage derrière ses barreaux l’humanité qui n’en diffère qu’étant du bon côté de la cage.